MOSAIC : une plateforme unique de faisceaux d’ions au service de la pluridisciplinarité

Physique des particules et matière

Au Laboratoire de physique des 2 infinis - Irène Joliot-Curie, la plateforme MOSAIC a été créée en 2023. Elle comprend plusieurs accélérateurs d’ions complémentaires qui permettent d’analyser la matière organique ou inorganique pour des applications dans des domaines aussi variés que l’astrophysique, l’énergie, la biologie, l’ingénierie, la microélectronique, et bien d’autres.

La nouvelle plateforme de recherche pluridisciplinaire MOSAIC regroupe différents accélérateurs de faisceaux d’ions aux caractéristiques complémentaires, afin d’étudier les matériaux sous irradiation et les interactions ions-matière. Située au Laboratoire de physique des 2 infinis - Irène Joliot-Curie (IJCLab1 ) à Orsay et regroupant les équipements Andromède, Sidonie et le hall expérimental JANNuS-Orsay2 , MOSAIC est composée d’outils de pointe dédiés à l’irradiation et l’implantation ioniques, ainsi qu’à l’analyse structurale, élémentaire, moléculaire et chimique.

Les études permises par MOSAIC trouvent des applications dans une très grande variété de domaines. À titre d’exemples, ces instruments peuvent reproduire les effets des radiations sur les matériaux pour des applications nucléaires, pour les réacteurs existants et futurs ; ou sur les matériaux utilisés dans l’espace et qui sont soumis à des conditions extrêmes de rayonnement.

En géologie, les faisceaux d’ions de la plateforme MOSAIC permettent, en incorporant différents éléments à l’intérieur de minéraux, de reproduire l’histoire d’un minéral qui aurait passé des millions d’années en profondeur. L’utilisation des faisceaux de nanoparticules d'or énergétiques pour étudier la matière biologique à l'échelle moléculaire permet, notamment, d’étudier les mécanismes d’interactions hôte-pathogène en utilisant un modèle membranaire et nécessitant peu de préparation d’échantillon.

En astrophysique, des expériences sont menées auprès de la plateforme MOSAIC dans le but de mieux comprendre le cycle de vie des étoiles massives, en particulier la nucléosynthèse des éléments chimiques stables. Pour ce type d’expériences, des faisceaux d’ions multichargés doivent être délivrés pendant plusieurs semaines pour permettre d'observer les réactions de fusion qui se produisent avec de très faibles probabilités.

Une plateforme ouverte aux scientifiques et aux acteurs industriels


Ainsi, les accélérateurs de faisceaux d’ions sont utilisés pour synthétiser, modifier et analyser des matériaux (composition élémentaire et isotopique, état structural) ainsi que pour mener des études sur les interactions ions-matière. MOSAIC permet en l’occurrence d’analyser des matériaux, de différentes natures et à des échelles différentes : cela inclut notamment la matière, les molécules, les échantillons biologiques, et les matériaux inorganiques et organiques sous forme solide.

« Concernant la partie synthèse et modification, MOSAIC permet soit d’incorporer un élément choisi à une profondeur donnée dans le matériau, soit d’endommager le matériau par irradiation, dans une large gamme d’énergie et de température. Cela permet d’observer le ralentissement de l’élément dans le matériau et les effets sur sa microstructure. Nous avons également la possibilité de déposer un élément, qui reste à la surface du matériau, détaille Aurélie Gentils, chargée de recherche CNRS à IJCLab et responsable scientifique de MOSAIC. Concernant la partie caractérisation, les équipements actuels permettent principalement des mesures de la composition chimique et de l’endommagement, de la détermination de structure cristallographique, et de l’analyse élémentaire ou moléculaire. »

Si la plateforme est logiquement utilisée par les différents pôles d’IJCLab, elle est également ouverte aux scientifiques d’autres laboratoires et aux acteurs industriels3 . « Il y a un véritable accompagnement des utilisateurs en fonction de leur degré de compétence », précise Cyril Bachelet, ingénieur de recherche CNRS à IJCLab et responsable opérationnel de MOSAIC.

« Des plateformes de cette taille, il y en a très peu dans le monde »


MOSAIC regroupe des équipements hors du commun, tels qu’une source d’agrégats à haute énergie pour effectuer des analyses de surface par spectrométrie de masse, ainsi qu’un microscope électronique en transmission (MET) qui, couplé avec ARAMIS et IRMA2 , est unique au monde de par la diversité des éléments et énergies disponibles in situ. La notoriété de la plateforme et des savoir-faire de ses experts est mondiale. « Des plateformes de cette taille, il y en a très peu dans le monde, souligne Cyril Bachelet. L’idée est de disposer d’une diversité d’accélérateurs qui sont tous complémentaires en termes d’ions, mais aussi au niveau de la gamme d’énergie. » En l’occurrence, la plateforme MOSAIC compte quatre accélérateurs d’ions en fonctionnement, et également des microscopes.

L’une des spécificités de MOSAIC est en effet de disposer d’un microscope électronique à transmission. Si de tels microscopes ne sont pas rares, la particularité de celui de MOSAIC est d’être couplé à deux accélérateurs, « ce qui est assez unique dans la communauté mondiale » et permet d’observer in situ, à l’échelle nanométrique, l’effet de synergie induit sur la microstructure des matériaux par le couplage des deux faisceaux d’ions, indique Aurélie Gentils.

La plateforme MOSAIC est en constante évolution pour répondre à toujours plus de besoins. Un nouvel implanteur d’ions sera par exemple mis en route courant 2025 et de nouvelles lignes de faisceaux vont être développées afin de coupler d’autres techniques de caractérisation in situ, par exemple un diffractomètre de rayons X financé en partie par la Région Île-de-France, ou un spectromètre à infrarouge. En prévision de ces développements, la superficie des locaux accueillant MOSAIC a justement été récemment doublée, grâce à un financement du CPER 2015-2020.

  • 1CNRS/Université Paris-Saclay/Université Paris Cité
  • 2 a b Andromède est un accélérateur électrostatique Pelletron de 4 MV ; Sidonie est un séparateur électromagnétique d’isotopes de haute pureté de 40 kV ; le hall JANNuS-Orsay rassemble l’accélérateur Van-de-Graaff/Tandem 2 MV ARAMIS (Accélérateur pour la Recherche en Astrophysique, Microanalyse et Implantation dans les Solides), l’implanteur d’ions 190 kV IRMA (Implanteur pour la Recherche en Métallurgie et Astrophysique), et un MET (Microscope Électronique en Transmission) Tecnai 200 kV, qui sont tous les trois couplés ensemble.
  • 3L’accès à MOSAIC se fait au fil de l’eau sous forme de prestation ou, pour le MET in situ, via l’appel annuel de la fédération nationale EMIR&A, regroupant des accélérateurs d’ions et d’électrons pour l’irradiation et l’analyse de molécules et matériaux, et listée dans la feuille de route des Infrastructures de Recherche du Ministère. Par ailleurs, cette plateforme de recherche est labellisée par l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules du CNRS (IN2P3).
© IJCLab

Qu’est-ce qu’un accélérateur de particules ?

Un accélérateur de particules permet de communiquer de l’énergie cinétique à des particules chargées. Les particules accélérées sont dirigées, sous la forme d’un faisceau, vers une cible ou un autre faisceau de particules, pour les faire interagir. Le scientifique étudie les événements produits lors des interactions ou analyse a posteriori leurs effets.

Différents types de particule peuvent être utilisés en fonction de l’interaction recherchée (ions, électrons, positrons, muons, antiprotons). Ces particules chargées, avant d’être accélérées, sont produites par une source. La technologie de la source dépend de la particule à produire.

Une fois produites, celles-ci sont accélérées par une différence de potentiel (continue ou alternative) pour leur faire atteindre une énergie bien définie. En accélérateur, l’unité d’énergie utilisée est l’électron-volt (eV), qui est définie par l’énergie acquise par un électron lorsqu’il est soumis à une différence de potentiel d’un volt. Un électron qui a une énergie de 1eV se déplace à une vitesse d’un peu plus de 2 000 000 km/h. Après l’accélération, les particules, sous forme de faisceau, sont soumises à des champs électriques ou magnétiques afin de courber leur trajectoire ou pour les focaliser vers un point d’intérêt.

Les accélérateurs sont utilisés dans différents domaines de la recherche académique : physique des particules, physique nucléaire, physique des matériaux, géologie, archéologie, biologie ou médecine. Ils sont également utilisés pour des applications industrielles ou sociétales comme la production de composants électroniques, le développement de cellules solaires, le test de matériaux soumis aux radiations (énergie nucléaire, spatial) ou le traitement du cancer.

Pour plus d’information : https://mosaic.ijclab.in2p3.fr
Contact : mosaic@ijclab.in2p3.fr